eurs expériences sur des souris montrent que les déodorants contenant des sels d’aluminium provoquent des tumeurs chez les cobayes. Deux chercheurs suisses appellent à faire jouer le principe de précaution en évitant d’utiliser ces produits.
À s’asperger les aisselles de déodorant chaque matin, on « risque » a priori plus de s’éviter les foudres de ses voisins de bureau que de tomber malade. Voire. On gagnerait à y regarder à deux fois avant de choisir entre ces sticks ou aérosols qui nous promettent des heures de fraîcheur.
Dans une étude publiée dans l’« International Journal of Cancer », un oncologue et un chercheur suisses que nous avons interrogés considèrent que « le réquisitoire contre les déodorants contenant de l’aluminium, soupçonné d’être cancérogène, s’alourdit ». Assez pour inviter le consommateur, cerné de polluants, d’allergènes et de perturbateurs endocriniens, à se plier au principe de précaution, estiment le professeur André-Pascal Sappino et le docteur Stefano Mandriota.
Oncologue, le professeur Sappino s’intéresse à l’implication de l’aluminium dans la formation de cancers du sein. Un débat qui n’est pas tranché. Parce que la preuve de toxicité directe de l’aluminium pour le corps humain n’aurait pas été formellement établie, il n’émeut que timidement les autorités sanitaires.
80 % des tumeurs apparaissent juste à côté du creux de l’aisselle
« Nous avons commencé nos recherches en 2009 », confie le cancérologue, interpellé par la hausse des cancers du sein ces cinquante dernières années chez des femmes plus jeunes, mais aussi par leur localisation : « Les tumeurs à 80 % apparaissent désormais dans le cadran supérieur externe. » En clair, à côté du creux de l’aisselle, dont « l’épiderme est extrêmement perméable. Et c’est là que se trouve le réseau lymphatique qui draine la glande mammaire ».
Plusieurs études ont déjà révélé la présence dans des prélèvements de tissus mammaires de concentrations certes faibles d’aluminium, « mais qui n’ont a priori rien à faire dans un corps humain ». En 2012, le cancérologue publie une première étude avec le biologiste Stefano Mandriota. Elle établit que, mis en contact in vitro avec des cellules mammaires humaines normales, « l’aluminium, à notre grande surprise, en quelques semaines, perturbe leur comportement et leur fait prendre les caractéristiques de cellules malignes » : incapables de cesser de se multiplier.
« Cette étude a provoqué un certain scepticisme, au motif qu’on s’était limité à un modèle in vitro », reconnaît le médecin, Et deux ans plus tard, la Commission de Bruxelles, estimant que les risques étaient impossibles à évaluer, n’a pas touché à la réglementation à laquelle sont soumis les industriels.
Tenace, le duo suisse a approfondi sa recherche sur un modèle animal. Des cellules mammaires de souris sont mises en contact, in vitro toujours, avec des sels d’aluminium. « Des taux 1 000 à 100 000 fois inférieurs à ceux présents dans un déodorant », précisent-ils. Au bout de quelques mois, elles ont été injectées à différents groupes de souris saines, mais avec un système immunitaire plus ou moins vaillant. Résultat : « Chez toutes, on a constaté le développement de tumeurs à des degrés divers, mais parfois très agressives, formant des métastases. »
Une étude avec laquelle Khalil Zaman, oncologue au CHUV de Lausanne, cité le 20 septembre par la « Tribune de Genève », a pris ses distances. « La réalité du corps humain n’est pas celle du laboratoire. » Ses deux collègues cherchent désormais à comprendre pourquoi les cellules mammaires, plus que d’autres, sont si sensibles à l’aluminium. « Devant l’accumulation des indices à charge », et échaudés par le précédent « de l’amiante, où l’on a dû attendre cinquan te ans pour affirmer sa toxicité, la sagesse voudrait, affirment-ils, que l’on évite l’emploi de ces antitranspirants ».
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